#ViedeDéco : Rencontre avec Camille Hermand
Camille Hermand est architecte et architecte d’intérieur à Paris. Pour Bonheurs Intérieurs, elle revient sur son parcours, l’importance de la confiance dans son métier et livre ses conseils à celles et ceux désireux de suivre le même chemin professionnel. Rencontre.
1. Le parcours : « J’ai été séduite par le côté chef d’orchestre »
« Les maisons m’intéressent depuis l’enfance. J’ai concrétisé cette envie à l’adolescence. J’ai eu la chance de rencontrer des architectes, d’échanger et de me rendre sur des chantiers à leurs côtés. En seconde, ce choix a été définitif. J’ai été séduite par le côté chef d’orchestre. On est au centre des interactions, on est constamment entouré de personnes de toute nationalité, de tout âge, issues de toute classe sociale. J’apprécie tous ces échanges que ce soit par mail, messages, en face à face, avec des artisans, des clients ou mes collaboratrices. J’ai aussi aimé la polyvalence de ce métier, il y est question d’esthétisme, de technique… On touche à tout. Je savais que je ne m'ennuierais pas. Et puis il y a un vrai sentiment de liberté quand on est à son compte ».
« Je ne parlerais pas de style, mais plutôt de ce qui me définit. Il y d’abord l’échange avec les clients. Je travaille avec la volonté de leur apporter quelque chose à travers ce que je sais faire tout en écoutant leurs besoins. Il y a aussi l’importance de la lumière et de la fluidité de l’espace, ce sont des éléments fondamentaux pour moi. J’ai eu la chance de les appréhender au cours de mes stages ».
« On s’introduit complètement dans la vie privée des clients. Il y a ceux qui nous laissent facilement ou moins facilement entrer, et puis il y a ceux qui font semblant. Quand des clients sont réticents, mieux vaut arrêter la mission assez vite plutôt que de s’obstiner. Ils n’ont pas suffisamment confiance pour qu’on puisse correctement avancer. Cela nous bloque. La confiance et la dimension psychologique sont essentielles dans un projet. Quand la confiance est là, les choses sont plus faciles et plus stables. On est à 100% dans l’intimité des clients. Je travaille souvent pour des couples et des familles, je connais par cœur leurs habitudes, leurs disputes, leur rapport de force, leurs phobies, leur stress, la qualité de leurs échanges. Les personnes retranscrivent dans leur habitat leurs problèmes de couple. Il faut pouvoir s’adapter. Quand on sort de réunion de chantier, on peut être fatigués avec l’impression d’être sortis d’une séance de psy. On a pris et encaissé toute leur énergie et leur charge psychologique. J’ai d’ailleurs remarqué que les réunions de chantier sont un excellent moyen pour faire passer des messages dans un couple (rires). Je me souviens d’un chantier où le couple se disputait sans cesse devant nous. C’était très désagréable. Je suis aguerrie, j’ai de la bouteille, mais pour mes jeunes collaboratrices, ces situations sont parfois incompréhensibles. Les gens doivent nous faire confiance. Bien sûr, ils ont leur mot à dire, mais ce ne sont pas eux qui mènent la danse. J’ai beau leur expliquer dès le départ, ça ne marche pas à tous les coups. Ils restent sur leurs prérogatives, notamment “c’est moi qui paie”. Ce n’est pas parce qu’ils paient, qu’ils prennent toutes les décisions. Ils sont évidemment consultés, mais ils ne gèrent pas le chantier au quotidien. Quand les clients veulent prendre le pas sur notre métier, les choses ne se passent pas bien, or le but est de construire quelque chose ensemble ».
« Mes sources d’inspirations sont multiples. Cela peut être l’histoire de la maison ou de l’appartement, la vie de ses habitants ou une belle vue. À Paris, on peut apercevoir des monuments de la ville depuis une fenêtre. C’est très intéressant de jouer avec. Je pense à un projet d’appartement avec vue sur le Panthéon. On avait vraiment ce magnifique monument en pleine face, il nous mangeait presque. Sa présence était très forte. La Panthéon a en plus une couleur de pierre très douce avec la lumière du soleil, l’ambiance est alors très chaleureuse. À l’inverse, l’atmosphère peut être plus froide à certains moments de la journée, il fallait tenir compte de ces changements dans l’inspiration ».
« Je prends toujours des stagiaires de troisième ou de seconde. Ce sont des moments de vie où des décisions doivent être prises. Je lui dis toujours : « si vous en avez envie, si vous pensez que ce travail vous plaît, que vous désirez cette indépendance, cette liberté dans le travail, il ne faut rien lâcher. C’est très dur, les études sont longues, contraignantes, mais cela vaut tellement le coup. Il faut s’accrocher jusqu’au bout. Si on a cette passion, cette envie de travailler pour soi, il faut se lancer. Ce métier est incomparable ».
La pièce préférée de votre maison ? « La cuisine à 1000% (rires). Dans tous les chantiers de maison, c’est la pièce que j’aime le plus travailler. Je ne suis pas une grande cuisinière, loin de là, mais c’est le lieu avec le plus d’échanges, le plus de vivre ensemble ».
L’objet déco que vous préférez ? « La lampe. On peut facilement créer une ambiance et obtenir une jolie lumière avec une lampe, même si elle n’est pas très esthétique. L’atmosphère de la pièce peut complètement changer ».
Votre couleur préférée ? « Le vert. C’est une couleur assez neutre, mais elle a une telle palette. Et puis c’est la nature. Dans chaque vert, il y a une interaction avec les autres couleurs. Elle reste la couleur la plus intelligente ».
Texte : Audrey Morard
Phiotos : Agathe Tissier
Phioto 1 : Projet La Tour
Photo 2 : Projet Luynes
Photo 3 : Projet Neva
Photo 4. : Projet Scheffer
Photo 5 : Projet Tocqueville