Les 140 mètres carrés de l’appartement étaient figés dans le temps, compteur bloqué en 1969. Bien que situé dans un immeuble haussmannien, tous ses attributs classiques avaient disparu au profit d’une décoration rétro-futuriste : bar, bibliothèque et cheminée en acier, podium en moquette, portes en verre fumé, cuisine et salles de bain marron. Passé le premier éblouissement, teinté d’amusement, vient la question fatidique : va-t-on apprécier longtemps de vivre dans un musée ? Les propriétaires ont opté pour une version contemporaine du « nouveau moderne », et confié cette interprétation à Camille Hermand.
Si dans les années 70, le total look futuriste faisait table rase du passé, l’architecture d’aujourd’hui aime lui rendre hommage. Les moulures et le parquet en point de Hongrie sont réapparus, reconstitués comme à l’origine, resituant l’appartement dans le style de l’immeuble. Sur cette base, le grand séjour adopte une allure beaucoup plus design. La cuisine se déploie désormais sur une face de la pièce, agencée comme un tableau. Ses lignes forment une composition graphique entre la crédence en marbre, les meubles et étagères et noyer sur fond de placards blancs. Devant, la belle table de salle à manger est au cœur des activités.
Un autre tableau marque la présence du salon en symétrie juste en face. Tout aussi graphique que l’ancienne bibliothèque, la construction est agencée autour d’un conduit central de cheminée, avec, de part et d’autre, des étagères ouvertes ou fermées, une banquette, un coffre à bois, dans un contraste de bleu sombre et blanc. La cheminée n’est plus en marbre sculpté comme au XIXème siècle, ni en métal comme au XXème, mais très épurée et écologique, avec son foyer fermé labellisé Flamme verte. Trois suspensions design rythment l’espace au-dessus de la table basse.
La place libérée par l’ancienne cuisine est devenue une family-room, communicante par une grande baie vitrée. L’espace de vie est décuplé et récupère une double exposition à la lumière du jour. On peut y jouer, regarder la télé, lire au calme tout en restant à portée de l’activité familiale. Le bleu sombre du hall d’entrée répond à la même couleur posée au fond de la bibliothèque du salon. L’alternance de lumière et de pénombre est voulue, elle accompagne les variations de luminosité des pièces aveugles ou bénéficiant de la lumière du jour, en accentuant l’effet.
Là où l’appartement jouait autrefois une symphonie en marron et acier, le nouvel agencement décline une palette de bleus et blanc. La chambre d’enfant est lumineuse et douce. Des menuiseries sur-mesure sont peintes en bleu ciel, assorties aux rideaux. Les deux salles de bain jouent sur un graphisme en marine et blanc, sophistiqués par des plans en marbre. Meubles vasque et pans de mur marine contrastent sur carreaux métro blancs, les carreaux de sol à motifs dessinent des cabochons ou des géométries. On espère pour les cinquante années à venir.
Texte : Caroline Tossan
Photos : © Pauline Le Goff
Projet : Henri IV